Corneille s'est invité au château !
> Colportez,
braves gens, ces beaux alexandrins.
Elle
Je vous cherchais, Seigneur, pour savoir de vous-même
Si je puis dire encore que le Président m'’aime
Ou si, pour mon malheur, il faut que je m'’inquiète
Du bruit qu'’on voit fleurir dans toutes les gazettes.
Lui
Ah ! Madame, il est vrai que la Cour toute entière
Bruit d'une étrange affaire et d'un homme en scooter
Qui, nuitamment dit-on, se rendrait en cachette
En des lieux clandestins courir une amourette
Et rencontrer là-bas une jeune personne
Trop sensible aux attraits qu'apporte la couronne.
Mais cet homme casqué, dont on ignore tout,
Ce n'est pas moi, Madame, il s'en faut de beaucoup.
Elle
Je voudrais bien pouvoir vous croire en cette affaire,
Mais ce n'est pas, Seigneur, ce qu'on lit dans Closer.
Vous quittez, paraît-il, notre palais royal,
Vous vous travestissez en souverain normal,
Vous hantez les marchés avec votre conquête.
Pour le dire en un mot, vous sautez la Gayette.
Lui
Madame, c'en est trop, je ne permettrai pas
Qu'on moque ainsi le trône et je vais de ce pas...…
Elle
Ah, cruel, il suffit. Je te comprends trop bien.
Du mariage toujours tu repoussais les liens.
Perfide, tu savais qu'en ne m'épousant pas
Tu pourrais profiter de plus jeunes appas.
Toujours insatisfait, errant de femme en femme,
Tu viens de me montrer la noirceur de ton âme.
Ingrat ! Te souviens-tu qu'avant de me connaître
Tu balançais toujours, tu ne savais pas être
Le prince que l'on craint. Que serais-tu sans moi ?
Je t'ai connu vassal, j'ai fait de toi un roi.
Tu me disais alors, comble de perfidie,
Avoir enfin trouvé la femme de ta vie !
Tu t'es lassé de moi comme de Ségolène,
Mais attention, François, je te le dis sans haine,
Il se pourrait qu'un jour, tes femmes réunies,
Ségolène avec moi, et peut-être Julie,
Dans un moment de blues ou bien de bravitude,
Étalant au grand jour toutes tes turpitudes,
Révèlent à la Cour et au monde ébaubi
Combien était trompeur le doux nom de Flamby,
Faisant ainsi savoir pour la première fois
Quel monstre se cachait sous la fraise des bois.
Lui
Ce n'est plus le François que vous avez connu
Qui vous parle, Madame, et vous tombez des nues
Quand une saltimbanque, assise à votre place,
Vous fait trop voir le triste effet du temps qui passe.
Vous voulez qu'on vous plaigne et ne supportez pas
Qu'une autre au lieu de vous accompagne mes pas.
Mais vous-même naguère, au temps de votre gloire,
Vous n'étiez pas toujours modeste en vos victoires
Et vous avez voulu, face à votre rivale,
M'embrassant devant tous, humilier la Royal.
Ce temps n'est plus, Madame, il vous faut oublier
Le faste des palais, les ors de l’Élysée.
J'ai décidé pour vous de notre vie commune.
Vous saurez, j'en suis sûr, ne pas être importune,
Rester à votre rang, complaire à votre Roi,
Troisième dans histoire à s'appeler François.
Vous avez partagé, pendant quelques années,
D'un prince corrézien la noble destinée.
Vous avez approché les rives du pouvoir ;
Il vous faut les quitter et vous devez savoir
Qu'en d'autres temps, Madame, il arrivait souvent
Aux femmes comme vous de vieillir au couvent.
Elle
Eh bien, Seigneur, adieu. Je vois que vos caprices
Pour se réaliser veulent mon sacrifice.
Je vous laisse la place et vais en d'autres lieux
Où j'espère trouver avec l'aide des Dieux
Quelqu'un qui mieux que vous aura su m'écouter,
Quelqu'un qui mieux que vous connaîtra l'art d'aimer,
Et qui pourra peut-être au fond de mon malheur
M'aider à préparer des lendemains meilleurs.
[François III sort. La duchesse reste seule.]
Tu crois avoir vaincu, tu te trompes, François ;
On ne méprise pas les femmes comme moi.
Tu te réjouis trop tôt d'un triomphe facile,
Ma feinte soumission n'était qu'un leurre habile
Et tu sauras bientôt ce que peut Valérie
Pour que le dernier mot ne soit pas à Julie.
Salutacionès.